jeudi 8 mai 2014

Snowpiercer


Un petit moment d'éternité après et comme annoncé dans le précédent billet consacré au Transperceneige, voici le second article -  plus dense  - qui reste davantage sur les rails du film. Il est en effet toujours un peu compliqué de s'étendre longuement sur une bande dessinée si on ne souhaite pas trop en spoiler le contenu. Quoi qu'il en soit, du coup, le film de la BD cela donne quoi ?

Concept art pour le film.
Ce film réalisé par le sud coréen Bong Joon-ho souffre des mêmes défauts que toutes les adaptations : l'histoire est retouchée pour pouvoir s'adapter au support et aux contraintes cinématographiques. Du coups on est plutôt ici devant un condensé des trois histoires qui composaient la BD d'origine que devant une adaptation fidèle. Cependant, et c'est tout à l'honneur des scénaristes et du réalisateur, les thématiques et le fond sont restés préservés si bien que l'on pourrait tout aussi bien être ici en présence d'un troisième train-arche. Le film se trouve donc être ainsi à la fois synthèse et prolongement du roman graphique. 

Pour ce qui est de la réalisation, aucun doute possible : nous sommes bien devant un film coréen. On y retrouve ce cinéma référencé mais décomplexé qui n'hésite pas à une certaine crudité, notamment lors des phases d'action. Cette manière directe de filmer, presque candide, couplée à une mise en scène solide et dynamique permet d'immerger les spectateurs dans l'histoire qui leur est alors directement préhensile : ce qui est décrit est directement compréhensible et intégré, nous laissant alors l'opportunité de réfléchir aux notions abordées et sortir plus aisément du cadre du pur divertissement.

Le wagon aquarium - tiré du film.
Le découpage du film est synchronisé avec la progression des personnages dans le train, chaque wagon constituant son propre microcosme apportant son lot d'éléments, alternant stupeur et émerveillement. La rythmique de ce séquençage se révèle d'autant plus importante que si les premières scènes se révèlent assez longues, la cadence tend à s'emballer au fur et à mesure de la progression des héros. Cette segmentation ainsi que la réalisation immersive du réalisateur coréen donne l'impression aux spectateurs de suivre en direct l'avancée frénétique du groupe de queutards jusqu'à la locomotive avec une impression de quasi temps réel. Cela donne au long métrage un côté intimiste et percutant.

Les acteurs s'en tirent vraiment bien même si au final je n'en ai vraiment remarqué que deux : Song Kang-Ho , qui est l'acteur fétiche du réalisateur, et Tilda Swinton (la reine blanche de Narnia) que les maquilleurs ont si bien grimés qu'elle en est presque méconnaissable et ce malgré ses traits déjà particuliers. Chacun se montre toutefois crédible dans la peau du personnage qu'il incarne, aucun ne se révélant complètement irréprochable.

Grand lecteur de comics et de mangas, les rumeurs laisseraient supposer que le Transperceneige soit arrivé par hasard entre les mains du réalisateur de manière assez trouble (on évoque des copies pirates) mais ce fut pour lui une révélation.
Quand je l’ai ouvert, j’ai découvert qu’il s’agissait de l’histoire d’un train. Or, je suis littéralement obsédé par les trains (...) c’est un espace confiné, un lieu qui représente un challenge en termes de mise en scène. (...) Le Transperceneige m’apparaissait comme une oeuvre qui m’était destinée. Un geste du destin, un film né du hasard."

Propos de Bong Joon-Ho.

Cela tombe bien car ceux qui connaissent un peu la filmographie du réalisateur savent que Bong Joon-Ho aime traiter de politique ou de sujets de sociétés dans ses œuvres.

Côté écologie, le film se démarque de l'oeuvre originale par l'apport de certains éléments qui lui sont propres. Tout d'abord, là ou la BD choisissait de laisser planer le doute, les premiers instants du film expliquent de manière explicite et plutôt actuelle l'origine de la catastrophe planétaire : afin de lutter contre le réchauffement climatique les gouvernements mondiaux décident de la vaporisation dans la haute atmosphère d'un agent réfrigérant. Evidemment l'expérience foire, devient incontrôlable et la Terre entre alors dans une ère glacière globale, annihilant toute forme de vie.

Ensuite le réalisateur a choisi d'accentuer le traitement de la notion du travail de mémoire. Alors que dans la bande dessinée cela se ressentait surtout par la dérive linguistique des réfugiés du transperceneige, le réalisateur choisit d'utiliser le dessin. Tout à la fois hommage et référence à l'oeuvre originale ; c'est d'ailleurs Rochette himself qui signe les différents crayonnés utilisés dans le film. En parallèle, les dialogues entre les protagonistes évoquent à de nombreuses reprises cet oubli progressif dans lequel s'enlise cette humanité privée de ses anciens repères et prolonge en cela la stratégie employée dans le roman graphique.

Concept art pour le film.
Enfin le traitement religieux est différent dans le film : les survivants ne vénèrent plus leur arche, la Sainte Locomotive, mais son créateur, Wilford, incarné ici à l'écran par Ed Harris. Ce changement d'approche ici est à mon avis volontaire de la part du réalisateur car il transpose la thématique vers le culte de la personne et ses dérives : propagande, conditionnement, totalitarisme, contrôle, etc. Le parallélisme avec la situation nord coréenne, entre-autres, est vraiment trop flagrante pour être anodine.

Ordonné ainsi, le propos devient plus homocentrique, plus politique : l'humanité se place alors à l'origine de tous les maux, de la destruction de sa propre planète, le metteur en scène du ballet infernal dont il est aussi l'interprète principal, l'artisan de sa propre fin. C'est au travers de tout cela que l'on retrouve l'engagement habituel de Bong Joon-Ho.

Snowpiercer, à défaut d'être un chef d'oeuvre, se révèle donc plutôt réussi. Personnel sans dénaturer l'oeuvre originale de Jacques LobJean-Marc Rochette et Benjamin Legrand, ce film se montre efficace, tant par sa réalisation énergique que par sa narration, et ne laisse clairement pas indifférent tant les notions abordées se montrent polémiques et actuelles. 

Snowpiercer

Réalisé par : Bong Joon Ho
Casting :
Genre : Drame , Science fiction
Nationalité : Sud-Coréen

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