dimanche 29 septembre 2013

Dracula : le prince Valaque Vlad Tepes

Pour ce billet je parlerais de nouveau BD. Je m'arrêterais donc ici sur Dracula : le prince Valaque de Vlad Tepes. Le beau dessin de Pascal CROCI est ici épaulé par la plume de Françoise-Sylvie PAULY, auteur et sa compagne dans la vie. Il s'agit en fait ici du premier volet d'un diptyque, bien que ce volume se suffise à lui-même.

Le repos des morts est troublé sous le regard accusateur des statues.

1888. 
Le romancier Bram Stoker prend le thé avec un archiviste du British Muséum qui l'a invité afin de lui faire part de documents susceptibles d'intéresser l'écrivain. Ces derniers ont traits à la vie de Vlad Tepes, ponctuée de crimes et d'horreurs, ainsi que des événements étranges qui y furent associées. Piqué par la curiosité, l'auteur exhorte donc le bibliothécaire à continuer l'exposé de ses découvertes.

Avec un tel titre, il pourrait sembler évident que le roman graphique traite de vampire. C'est en partie vrai, mais c'est là ou se trouve justement pour moi l'intérêt de cette histoire : c'est de la vie de Vlad Tepes, dit l'empaleur, dont il est en fait question ici, tout du moins une partie de son règne. Je ne m'étendrais sur cet illustre personnage que pour rappeler qu'il fut celui qui inspira à Bram Stoker son célèbre personnage de Dracula. Cela est d'ailleurs renforcé par l'utilisation du romancier dans la narration. 

Les loups, attendant la curée.

Bien que présent, le vampirisme n'est en réalité que suggéré tout au long du récit par l'emploi de différentes allusions et références. Cette absence de manifestation franche, ce doute volontaire planant en permanence sur le récit, contribue à lui conférer un ton fantastique et mystérieux.

Le dessin de CROCI, en coloration directe, fait ici merveille et retranscrit une Valachie à la fois glaciale et magnifique, cruelle et belle. Le passé d'illustrateur religieux du dessinateur se fait sentir dans sa maîtrise de l'iconographie et la spiritualité de certaines planches. 

Je conclurais donc en indiquant qu'il s'agit là d'un bel écrin pour un récit abordant intelligemment la thématique des vampires. Bien qu'à mon goût elle reste bien en deçà d'un Auschwitz, lire cette BD reste toutefois un beau voyage. Je verrais donc si je peux me procurer le second volet du diptyque, Le Mythe raconté par Bram Stoker, pour avoir la vision d'ensemble de l'oeuvre.  


Dracula : le prince Valaque Vlad Tepes

Dimensions : 23,3 cm x 30,7 cm 64 pages
Editeur : Emmanuel Proust Editions
Collection : Atmosphères
Code Produit / ISBN : 9782848100842
Date de sortie : 7 octobre 2005

vendredi 20 septembre 2013

Blue note


"Dans le jazz ou le blues, la note bleue (en anglais blue note) est une note jouée ou chantée avec un léger abaissement, d'un demi-ton au maximum, et qui donne sa couleur musicale au blues, note reprise plus tard par le jazz."
"Le terme blue vient de l'abréviation de l'expression anglaise Blue devils (littéralement « diables bleus », qui signifie « idées noires »). La note bleue est utilisée par les musiciens et les chanteurs de blues et de jazz à des fins expressives, pour illustrer la nostalgie ou la tristesse lors de la narration d'une histoire personnelle (une bluette)."
Voici que l'on peut lire sur wikipedia. Et c'est également le titre de la bande-dessinée dont je tiens à parler dans ce nouveau billet. 

"BLUE NOTE, Les dernières heures de la prohibition ", est un roman graphique paru aux éditions Dargaud pour la rentrée de septembre 2013, du moins en ce qui concerne la version dont je me suis porté acquéreur. C'est Matthieu Mariolle qui s'est chargé de la partie scénario, le dessin et la colorisation ayant été confiés à Mikaël Bourgouin. Pour être honnête, et après avoir regardé un peu leurs biographies, je ne crois pas avoir déjà lu ou vu une de leurs travaux précédents. C'est donc avec un regard neuf et sans a priori que je suis rentré dans cette histoire.

Pendant que les gangsters s'enrichissaient, les travailleurs n'avaient même plus la possibilité de l'évasion éthylique.

L'action se déroule dans une New-York asphyxiée et corrompue par une prohibition qui vit son dernier mois. Jack Doyle est boxeur, et un irlandais pur souche. Blessé dans sa fierté après avoir perdu un combat qu'il était pourtant certain d'emporter, il accepte finalement de renfiler les gants et remonter sur le ring, ne serait-ce que pour faire taire les doutes qui l'assaillent depuis sa défaite : et si on l'avait drogué ? Et si l'issue du match avait déjà été décidée ? C'est donc pour faire taire ses propres démons que Jack retourne dans l'enfer new-yorkais pour un séjour qu'il espère le plus fugace possible. Au moins, il y a toujours les clubs et ses musiciens fantastiques. Car oui, Jack est aussi un fin mélomane. Mais la ville est un monstre vorace, implacable, et notre pugiliste devra troquer ses gants pour un autre style de combat s'il ne veut pas se retrouver sacrifié sur l'autel de la corruption. 

Comme il l'explique lui-même dans les remerciements, Mikaël Bourgouin a souhaité pour cet album s'orienter vers le dessin encré. Une rapide recherche web montre qu'effectivement il est plus familier de la peinture que de l'encrage pur et dur. Ce choix, assez radical pour lui, confère cependant au récit un bon contrepoint à la noirceur de son ton. Je pense cependant que la réelle puissance évocatrice du dessin dans cette BD vient plutôt de l'emploi simultané et harmonieux du trait et du pinceau. Le trait, net et précis dans la lumière, devient pinceau et mouvement dans l'obscurité, suggérant que tout se joue non pas devant les projecteurs, mais dans les coulisses ; tout comme ces combats truqués, comme la corruption si flagrante durant la prohibition. A cela s'ajoute une réelle maîtrise des éclairages et des perspective, parachevant de nous immerger dans ce roman noir.

Et pan, dans les dents.

Car c'est bien de roman noir dont il s'agit ici : les personnages portent tous un lourd passé et doive se sortir d'une situation inextricable. On est pas là pour rigoler, ce que le titre nous rappelle de manière subtile. Le ton est lucide et pessimiste, chaque personnage semble prêt à faire ce qu'il faut pour survivre. Cette BD est donc une excellente surprise ! Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, il s'agit en fait du premier volume d'un diptyque. J'attend donc avec impatience le second tome à venir qui devrait mettre en lumière l'envers de cette histoire.

Blue Note

Date de parution : 6 septembre 2013
Nombre de pages : 72
EAN : 9782205068535
Genre : Polar / Thriller
Format : 240x320 mm
Public : Ado-adulte - à partir de 12 ans

mardi 17 septembre 2013

Continuum, ou pas ?

Pour ce deuxième billet il s'agira d'une escapade télévisuelle. Comme le titre le laisse supposer, je viens donc de finir le visionnage de la première saison de Continuum. J'y suis venu après avoir survolé quelques critiques positives et aussi parce que j'aime bien les séries d'anticipation. Après coup, tout ce que je peux dire c'est qu'elle me laisse finalement sur un sentiment mitigé. Mais bon, kézako ?

Il s'agit d'une série policière canadienne diffusée par la chaîne Show Case, créé et produite en 2012 par Simon Barry. Si dans la forme on ne fait pas vraiment dans la fantaisie et l’innovation, le fond demeure plus intéressant : en 2077 les corporations ont pris le contrôle après l'échec des différents pouvoirs politiques mondiaux. Dans cet Eden de façade, un mouvement de rébellion nommé liber8 guerroie pour recouvrer les libertés individuelles que les corpos ont pris soin de faire disparaître. Les leaders de la branche terroriste de ce mouvement sont finalement arrêtés, non sans qu'ils soient préalablement parvenus à faire exploser le parlement corporatiste en causant par la même occasion des milliers de morts. Condamnés à mort – pour l'exemple – le petit groupe de terroristes parvient à s'échapper durant l’exécution en utilisant un vortex temporel. Car oui, leur objectif réel est de changer le passé par sauver le futur. Ce qu'ils n'avaient pas prévus, c'était qu'ils embarqueraient dans leur sillage notre héroïne, représentante des forces de l'ordre du futur bien décidée à les stopper tout en cherchant un moyen de rentrer chez elle.

Lorsque j'ai lu cela, je me suis dit chouette, on va donc traiter de voyage et de paradoxe temporel. C'est effectivement le cas puisque Kiera Cameron, notre intrépide héroïne, se lance à la poursuite des rebelles pour les empêcher de nuire à son futur et à la famille qu'elle a laissé en 2077. Sans trop spoiler, je peux dire que s'il existe différentes théories temporelles, certaines plus souvent avancées que d'autres, celle qui est abordée ici considère que le temps s'écoule un peu comme un fleuve. Si tu en modifie le cours, en altérant le déroulement normal des événements par exemple, alors la trame temporelle fait tout pour recoller les morceaux et reprendre son lit normal, quitte à faire quelques ajustements. C'est vrai quoi, le futur doit avoir lieu autrement le présent ne pourrait pas être sinon. On tient là l'origine du titre de la série. Show must go on !

Punaise, j'me tape une de ces migraines moi...

C'est bien beau tout cela, mais concrètement, ça donne quoi ? Commençons par le casting, déjà. Si Rachel Nichols, l'actrice principale, héroïne de cette histoire et (seul ?) atout charme de la série s'en sort bien, c'est loin d'être le cas du reste de la distribution. Son partenaire à l'écran, Victor Webster, s'il fait le job, n'offre qu'une belle gueule sans âme dans son interprétation de Carlos Fonnegra, le détective de 2012 faisant équipe avec Kiera. A côté, Stephen Lobo en rebelle indépendant et Erik Knudsen en petit génie sont bien plus convaincants, à défaut d'êtres crédibles.

L'histoire maintenant. Malgré des flashs Forward à chaque épisode, j'avoue qu'à la fin de la première saison je peine encore à savoir ou les scénaristes veulent nous emmener. Certes, Kiera poursuit assidûment les terroristes et les enquêtes ne s'éloignent que peu de cette traque. Assurément certaines questions posées trouvent une réponse - un peu trop hâtivement à mon goût d'ailleurs - et des fils rouges sont peu à peu mis en avant : on s'en doutait, il y a du complot dans l'air et le passé semble inextricablement imbriqué dans le futur auquel il a donné le jour. Euh d'accord, mais les corporations ? Et la société du futur ? Si certains partis pris dans l'évocation de ce futur semblaient prometteurs, leur traitement s'en montre également d'autant plus frustrant par sa brièveté. Quid de cette société corporatiste dans laquelle toute liberté individuelle est réduite à peau de chagrin ? Comment être soi lorsque les corporations te fournissent tout, de la nourriture que tu ingères à ton logement jusqu'à l'argent qui te permet d'acheter ce que as toi-même contribué à produire ? 

Je me serais donc au moins attendu à ce que les membres de liber8 fassent autant parler leurs mots que leurs armes. Et bien non, on juste droit à un groupe terroriste à la Al-Qaïda avec un leader plus ou moins charismatique relativement avare en paroles idéologiques. Je me suis même parfois demandé pourquoi ils ne collaient pas une balle dans la tête de cet empêcheur de terroriser en rond ? Sérieux, quel rabat-joie. Je me suis également attendu a voir davantage de rappels passé/avenir et qu'on parlerait beaucoup plus des racines corporatistes en 2012. Cela aurait pu apporter par la même occasion un regard critique sur la société actuelle. Là encore, une déception. Et je passerais sur certains changements bien arrangeants dans l'attitude des protagonistes .

Nos agents apprenant qu'on parle d'eux sur le blog. (S1E6)

Pour conclure, je dirais donc que si la série se laisse regarder, elle me dérange par son traitement mi figue mi raisin. Plutôt que d'exploiter les quelques éléments ambitieux de son pitch de départ, les scénaristes se contentent de recettes éculés mais ayant déjà fait leurs preuves. Même la réalisation est plate et ultra-conventionnelle. J'aurais vraiment apprécié beaucoup plus de panache dans cette série, plus de prise de risque. Au lieu de cela j'ai toute les peines du monde à me prendre d'affection pour les personnages tout en restant sur ma faim au niveau du fond. Je regarderais cependant la seconde saison avec l'attente et l'espoir d'un traitement plus profond et moins mercantile du concept. 

Bref, 

lundi 16 septembre 2013

L'Héritage du Colonel

Pour ce premier article de mon blog je parlerais BD. Celle-ci, « l'Héritage du colonel », est dessinée par Lucas Varela et scénarisée par Carlos Trillo, tous deux argentins. Lorsque je l'ai vue dans les étals, le bel aspect de l'objet m'a interpellé, le résumé titillé. Je ne regrette absolument plus cet achat, désormais, car la lecture de ce roman graphique m'a fait réfléchir, ce qui, avec le voyage, est une des choses que j’attends d'une bande dessinée.

Mais remettons au préalable cette histoire dans son cadre : l'Europe, encore hantée par le spectre du national socialisme allemand, peine encore à se remettre des deux Grandes Guerres et a parfois du mal à accepter de ne pas avoir l'exclusivité de l'horreur humaine. Car l’Amérique latine eut également son lot d'atrocités, y compris l'Argentine qui nous intéresse ici. Après des années de guerre civile, la junte militaire prit le pouvoir et instaura le Processus de réorganisation national. Sous ce nom pompeux se dissimule en fait un processus de terreur visant à éradiquer toute forme d'opposition : enlèvements, torture, exécutions arbitraires sont de la partie, sans oublier les non moins tristement célèbres escadrons de la mort.

« D’abord, nous tuerons tous les agents de la subversion, puis leurs collaborateurs et puis enfin leurs sympathisants ; ensuite viendront les indifférents et enfin pour terminer les indécis »

fin 1977, déclaration du général Ibérico Saint-Jean, gouverneur de Buenos Aires.

C'est donc dans ce joyeux contexte que s'ancre notre récit. Notre héros, Elvio, est le fils du stricte et sévère colonel Aaron Guastivino, en charge des interrogatoires. Homme consciencieux et professionnel, ce dernier n'hésitait pas à ramener des devoirs à la maison et à affiner ses techniques de torture sur des poupées. Cette glorieuse figure paternelle morte pour son pays dans l'exercice de ses fonctions fut le terreau dans lequel germa la perversité d'Elvio et sa pédiophilie ; lorsque l'on t'as inculqué que l'Homme est chair, mensonges et fausseté, on ne peut dès lors trouver qu'attirante la calme perfection de ces objets à vocation ludique que sont les poupées. Car oui Elvio est amoureux, à la folie, de Luisita, une magnifique poupée ancienne.

Poupée ancienne tête porcelaine Bébé Jumeau de SFBJ
On en arrive là où le travail réalisé est selon moi le plus remarquable, à savoir le traitement du souvenir de cette période noire qu'un peuple cherche à oublier. Pour cela différents moyens sont employés : premièrement, et ce de manière assez évidente, par le biais de l'histoire de ce garçon devenu un fonctionnaire insignifiant. Cette dernière personnifie à merveille la fuite par l'imaginaire d'une réalité que l'on sait inacceptable. Ensuite, l'opposition qu'il existe entre le dessin de Verala, tout en lignes simples et aplats, et la noirceur de l'histoire concoctée par Trillo permet de mettre en contraste cette triste réalité humaine qui ne saurait exister dans un monde si beau et pur. Cette mise en relief se retrouve également dans le personnage de Luisita, cette poupée au visage de porcelaine et à la personnalité obscène. Le déni et une certaine acceptation occultive, sont enfin évoqués dans l'ironie caractérisant certains dialogues et points de vue de quelques personnages du récit.


Je ne connais pas suffisamment la société argentine pour jauger de la fidélité du portrait qu'en brossent les auteurs de cette bande dessinée. Quoi qu'il en soit, le traitement léger par un absurde teinté de fantastique de cette histoire ne fait qu'inciter une réflexion personnelle autour des thématiques fortes qui la sous-tendent, faisant de la lecture de « L'Héritage du Colonel » une expérience à part entière.

L'Héritage du Colonel

Date de parution : 24/09/2008
ISBN : 978-2-7560-1382-4
Scénario : Carlos TRILLO
Dessin : Lucas SANTIAGO VARELA
Couleurs : Lucas SANTIAGO VARELA
Série : Héritage du colonel (L')
Collection : MIRAGES